HISTORIQUE

1932
En bombardant des atomes avec des particules alpha, Chadwick découvre que les noyaux ne sont constitués que de neutrons et de protons, d'où l'existence de l'interaction forte qui assure la cohésion du noyau. 
1937
Yukawa suggère que l'interaction forte entre nucléons est transmise par une particule, le méson 1, tout comme l'interaction électromagnétique est véhiculé par le photon. 
1968
Grâce aux expériences de collisions entre électrons et protons, Feynman comprend que les nucléons sont faits de quarks. Les véritables messagers de l'interaction forte dont les gluons qui lient les quarks. 
1973
se fondant sur l'observation du comportement des quarks et sur le succès de l'unification électrofaible Georgi et Glashow jettent un premier pont théorique entre interaction faible et forte. 
1999
Cette théorie de grande unification prédit que tout proton doit se désintégrer tôt ou tard. Mais jusqu'à présent, de désintégration il n'y a eu ! Faut-il bâtir une nouvelle théorie. 
 
La désintégration du proton
L'interaction forte
L'intensité de la force de couleur
La théorie de grande unification prédit qu'un proton sur 1032 doit se désintégrer chaque année. les physiciens ont donc construit des piscines d'eau pure contenant environ 1033 protons pour observer ce phénomène. Lors de sa désintégration, un proton devrait se transformer en un méson (donnant lui-même 2 photons g) et un positron e+. Ce dernier, plus rapide que la lumière bleue (effet Cerenkov) détecté sur les parois de la piscine. Mais aucune désintégration n'a pu être clairement identifiée, ce qui remet en cause la validité de cette théorie.

Bernard Pire, chercheur au CNRS, centre de physique théorique, école polytechnique, Palaiseau

 

L'interaction forte est responsable de la liaison des protons et des neutrons dans les noyaux atomiques. Son intensité est considérable et elle dominerait toutes les autres forces de la nature si son rayon d'action n'était pas minuscule (de l'ordre de la taille des noyaux atomiques, soit moins de 10-14 mètre). Elle s'exerce entre les constituants des nucléons et ceux des mésons : quarks, antiquarks et gluons. Un quark porte une charge forte, appelée couleur, qui peut prendre 3 valeurs : rouge, verte ou bleue, tandis qu'un antiquark porte une "anticouleur" cyan, magenta ou jaune. Tout comme l'interaction électromagnétique est transmise par les photons, les interactions fortes s'expriment par l'échange de gluons, porteurs d'une couleur et d'une anticouleur. Les gluons interagissent aussi en échangeant d'autres gluons. L'attraction entre les particules colorées est si intense qu'elles restent groupées en structures "blanches"(c'est-à-dire neutres de couleur, comme la lumière blanche est une superposition des couleurs de l'arc-en-ciel) que sont les protons, les neutrons et mésons.

Bernard Pire, chercheur au CNRS, centre de physique théorique, école polytechnique, Palaiseau

 

Une foule entourant un joueur de guitare fait écran à la propagation du son et le mélomane éloigné ne perçoit qu'une mélodie atténuée, plus faible que ne l'impliquerait la propagation de son sans obstacle. Un ensemble neutre d'atomes a le même effet sur une charge électrique positive : les électrons (comme le public) ont tendance à s'en rapprocher, si bien qu'un instrument éloigné perçoit cette charge comme atténuée. En physique quantique, le vide joue un rôle semblable grâce aux furtives apparitions en son sein de paires particule-antiparticule dites "virtuelles"; tout se passe comme si la charge décroissait lorsqu'augmente la distance à laquelle on la perçoit - c'est le carré de cette image qui mesure l'intensité caractéristique de l'interaction, appelée constante de couplage. L'intensité électromagnétique croît donc lorsque la distance diminue. Il se trouve que l'effet du vide est inverse dans le cas de l'interaction forte. La charge de couleur d'un quark est augmentée par l'apparition fugitive de gluons de même charge dans le vide qui l'entoure : c'est un phénomène d'anti-écrantage et l'intensité de la force de couleur décroît lorsque la distance diminue. 2 quarks de couleurs différentes sont plus attirés l'un par l'autre lorsqu'ils sont éloignés que lorsqu'ils sont proches, comme s'ils étaient retenus par un élastique ! On estime qu'à une très courte distance ( 1030 cm), les interactions électromagnétique et forte pourraient avoir les mêmes constantes de couplage et devenir alors indistinctes.

Bernard Pire, chercheur au CNRS, centre de physique théorique, école polytechnique, Palaiseau 

L'unification des quarks et des électrons
La théorie mathématique des groupes est adaptée à l'étude des systèmes physiques qui restent invariants sous certaines transformations symétriques. Ces symétries forment en effet un groupe, et le système physique est une "représentation" de ce groupe. Ainsi, si permuter les couleurs des quarks ne modifie pas le monde des quarks, ceux-ci peuvent être groupés en triplets considérés comme une représentation du groupe appelé SU(3). si on veut unifier le monde des quarks et celui des électrons, il faut découvrir la symétrie qui permet de les grouper. Le groupe mathématique correspondant doit alors avoir SU(3) comme sous-groupe et on doit pouvoir grouper l'électron et les quarks dans les multiplets plus grands. C'est ce que réalise par exemple la grande unification SU(5) qui groupe l'électron, le neutrino et 3 anti-quarks d'anticouleurs distinctes dans un quintuplet fondamental, les autres particules fondamentales étant groupées dans un décuplet. Cette caractérisation de l'hypothétique interaction électronucléaire unifiant les interactions électrofaible et forte englobe les symétries qui ont donné naissance à la théorie électrofaible et à la chromodynamique quantique. Hélas, contrairement à l'unification électrofaible, aucune expérience n'a permis de la valider.

Bernard Pire, chercheur au CNRS, centre de physique théorique, école polytechnique, Palaiseau